par Markus Bakker, Fluke Corporation
Il est bien connu que les mesures de qualité d’énergie effectuées sur les moteurs et les variateurs de vitesse permettent d’améliorer l’efficacité énergétique des systèmes électriques, et de maintenir les coûts au plus bas. Cependant, il existe plusieurs problèmes invisibles liés à l’utilisation de l’énergie dans les installations, qui sont susceptibles d’entraîner des surcoûts importants, tout en causant des dommages aux équipements et en générant des arrêts intempestifs perturbateurs.
En se concentrant sur les six aspects suivants de la mesure de qualité d’énergie, il est possible de mettre au jour certains problèmes invisibles et de réduire les coûts, tout en améliorant les performances globales de l’installation.
Déséquilibre entre phases
Dans un système triphasé équilibré, les tensions et les courants de phase doivent être soit identiques, soit extrêmement proches en termes d’amplitude et de phase. Tout déséquilibre dans l’un de ces domaines peut entraîner une réduction des performances, voire une défaillance prématurée. Les moteurs peuvent être moins performants à cause du couple résistant, tandis que leur défaillance peut être causée prématurément par une surchauffe excessive des enroulements.
Les coûts les plus importants susceptibles de survenir sont liés au remplacement des moteurs, et à la perte de revenu générée par le déclenchement des circuits de protection, ainsi qu’aux temps d’arrêt et aux coûts de main-d’œuvre associés à la résolution du problème. Cependant, le déséquilibre affecte aussi les coûts énergétiques dans la mesure où ce déséquilibre réduit les performances des moteurs.
L’un des meilleurs moyens d’identifier les potentiels problèmes de déséquilibre de tension consiste à mesurer la tension au niveau du branchement du client sur le réseau électrique public (compteur électrique). Selon la norme EN50160 sur la qualité de l’énergie, le déséquilibre de tension (le rapport entre les composantes négative et positive) doit être inférieur à 2 % au compteur. Si la tension n’est pas bien équilibrée au niveau du compteur, la puissance de l’ensemble de l’installation est déséquilibrée et doit être corrigée au plus vite par le gestionnaire du réseau de distribution.
Le déséquilibre peut exister au niveau d’une seule charge, ou d’une branche entière de l’infrastructure électrique interne, par exemple pour un moteur électrique ou même un groupe de moteurs. Il est donc judicieux de vérifier les tensions et les courants de phase à l’entrée, étant entendu que le déséquilibre ne doit pas dépasser 2 % en tension et 6 % en courant. Le déséquilibre en courant est une conséquence directe du déséquilibre en tension. Si les tensions sont équilibrées, le déséquilibre en courant est causé par un déséquilibre des charges.

Distorsion harmonique totale
La distorsion harmonique totale (THD) correspond à la part de distorsion de la tension ou du courant due aux harmoniques du signal. S’il est normal d’observer une certaine distorsion du courant, toute valeur supérieure à 5 % sur une phase justifie une investigation approfondie. Si ce niveau de distorsion n’est pas corrigé, il peut entraîner des problèmes comme un courant élevé circulant dans les conducteurs neutres, des moteurs ou des transformateurs qui chauffent (ce qui réduit la durée de vie de l’isolation), un mauvais rendement des transformateurs (ou la nécessité d’utiliser des transformateurs plus gros pour tenir compte des harmoniques), des bruits ou des vibrations audibles, dus à la saturation du noyau du transformateur (le bruit et les vibrations représentent un gaspillage d’énergie).
Les coûts les plus importants liés à la THD sont la réduction de la durée de vie des moteurs et des transformateurs. Bien entendu, si l’équipement concerné fait partie d’un système de production, les revenus peuvent aussi être impactés, étant donné que les harmoniques réduisent le rendement et les performances des moteurs et des transformateurs.
Le mieux, pour identifier ces problèmes, est d’effectuer des mesures par rapport au niveau normal sur les moteurs, les transformateurs et les conducteurs neutres qui alimentent les charges électroniques. Il est important de surveiller les niveaux de courant et les températures à l’intérieur des transformateurs pour s’assurer qu’ils ne soient pas en surcharge, et aussi de bien comprendre que le courant neutre ne doit jamais dépasser la capacité du conducteur neutre.
Les harmoniques sont souvent causés par certaines machines ou installations électriques spécifiques, et ne se produisent que si ces éléments sont sous tension. Il est donc très utile d’enregistrer les mesures avec un horodatage pour pouvoir relier directement la présence intermittente de certains harmoniques à certains processus.
Les fréquences harmoniques dont il est question vont jusqu’à la 50ème, et sont toutes dérivées de la fréquence fondamentale de la tension, qui est de 50 Hz. Avec l’utilisation croissante de systèmes électroniques de puissance, comme des variateurs ou des convertisseurs de fréquence, des harmoniques de fréquences plus élevées peuvent polluer le réseau. Ces harmoniques n’ont aucun rapport avec la fréquence fondamentale (50 Hz) et sont causés par la commutation des systèmes électroniques de puissance évoqués précédemment. Ces « supra-harmoniques » interfèrent avec les équipements de commande de processus et peuvent même en provoquer l’arrêt.
Transitoires
Les dispositifs électroniques sont également très vulnérables aux transitoires. Il s’agit de tensions impulsionnelles extrêmement brèves (moins de 10 ms) mais dont la magnitude peut être très élevée (jusqu’à 6 kV). Ces impulsions peuvent être provoquées par la commutation de charges lourdes, la décharge de condensateurs, ou même la foudre. S’ils sont impactés par une transitoire, les appareils électroniques peuvent s’éteindre ou perturber les processus pour lesquels ils sont programmés.
Pour s’assurer que des transitoires sont à l’origine d’un problème, il faut utiliser un appareil de mesure à fréquence d’échantillonnage suffisamment élevée pour capturer l’événement. Il est impératif que ces dispositifs disposent d’une connexion à la terre, et que l’événement capturé puisse être affiché, de sorte de permettre l’identification, ou du moins la présomption de l’origine de l’impulsion de tension.
La seule façon de remettre ces appareils en service après un tel épisode est de procéder à une réinitialisation manuelle, ce qui implique au préalable de suspendre la production. En outre, la qualité de tous les produits fabriqués depuis l’incident devra être vérifiée. Pour protéger les appareils contre les transitoires, on peut installer des parafoudres, qui envoient l’impulsion de tension vers la terre avant qu’elle n’atteigne les appareils électroniques.
Chutes de tension
Une chute de tension est une réduction temporaire du niveau de tension, qui peut être causée par l’ajout de charges à l’insu des responsables de l’usine. Ces charges peuvent faire chuter la tension du système pendant un court instant si elles génèrent des courants d’appel élevés. Cela peut entraîner la réinitialisation de certains équipements électroniques, ou déclencher des fonctions de protection contre les surintensités. Une chute de tension sur une ou deux phases d’une charge triphasée peut amener la ou les autres phases à tirer un courant plus élevé pour compenser.
Les chutes de tension peuvent engendrer des pertes de revenus, si un ordinateur ou un système de commande se réinitialise, par exemple. Des pertes de revenu peuvent aussi survenir du fait du déclenchement de certains variateurs à fréquence variable (VFD), ou du fait de la réduction de la durée de vie des alimentations sans coupure (UPS) à cause de cycles de charge trop fréquents. Toute stratégie de maintenance préventive doit comporter des mesures de suivi des moteurs, des onduleurs, des variateurs à fréquence variable, et des panneaux de distribution alimentant les commandes industrielles et les équipements informatiques. L’avantage évident d’un tel suivi est de minimiser les temps d’arrêt et de réduire les coûts.
Pour évaluer la sévérité d’une chute de tension, il est essentiel de mesurer l’intensité de cette chute (en pourcentage de la tension nominale) et sa durée (en millisecondes). Grâce à ces deux paramètres, il est possible d’effectuer une comparaison avec les limites fixées par le consortium américain ITI (Information Technology Industry Council). Les équipements électroniques sont capables de supporter les chutes de tension tant qu’elles restent dans ces limites. Si cela n’est pas le cas, des efforts doivent être réalisés pour atténuer ces chutes de tension. Le problème avec les chutes de tension est qu’elles se produisent souvent de manière intermittente ; des mesures doivent donc être déclenchées automatiquement pour pouvoir les capturer immédiatement. Si un niveau de déclenchement défini au préalable est atteint, l’équipement de mesure doit commencer à enregistrer l’événement.

Demande de pointe
Les fournisseurs d’énergie surveillent les niveaux de consommation électrique des installations industrielles (et commerciales) plusieurs fois par heure, afin de déterminer la demande énergétique moyenne de l’usine. Au démarrage, les installations de production en particulier ont tendance à consommer une grande quantité d’énergie, ce qui peut avoir une incidence sur la façon dont les fournisseurs d’énergie calculent leurs tarifs en fonction de la demande de pointe (la demande moyenne la plus élevée de tous les intervalles de temps d’un cycle de facturation).
Afin de réduire ces coûts, il convient d’échelonner la commutation des charges pour faire baisser la demande et minimiser la consommation maximale instantanée. Pour ce faire, il est important de déterminer l’intervalle de demande utilisé par le service distribué en réseau et de mesurer la demande d’énergie au fil du temps au niveau du compteur à l’aide d’un enregistreur de qualité d’énergie. Il est également utile d’identifier si des charges importantes sont connectées en même temps, en analysant les mesures de demande pour identifier les mesures correspondant aux différentes charges.
Si les installations dépassent les niveaux de demande de pointe convenus par contrat, elles s’exposent à des pénalités financières importantes de la part des fournisseurs d’énergie. Par conséquent, prévenir les dépassements et réguler les coûts énergétiques est essentiel pour protéger les revenus et réduire les dépenses.
Facteur de puissance

Toute l’électricité produite et transportée jusqu’à l’utilisateur final n’est pas utilisée de manière efficace ; c’est en réalité la puissance effective (mesurée en kW) que l’utilisateur final doit payer. L’énergie réactive, que l’infrastructure doit aussi transporter, n’est pas utilisée et n’est pas facturée à l’utilisateur final. On peut donc la considérer comme de l’énergie gaspillée. Cela signifie que les infrastructures, notamment les câbles, les commutateurs et les transformateurs, doivent être dimensionnées pour transporter la quantité totale d’énergie, mais que seule une partie de ces infrastructures est utilisée efficacement. La puissance totale transportée est appelée puissance apparente (mesurée en kVA).
Le rapport entre la puissance effective et la puissance apparente indique l’efficacité de l’utilisation de l’énergie. Si ce rapport est égal à 1, toute la puissance apparente est utilisée et facturée. Plus le rapport est bas, moins l’utilisation de la puissance apparente est efficace. Étant donné que les fournisseurs d’énergie ne peuvent pas facturer la puissance réactive à l’utilisateur final, une limite est fixée dans le contrat. Si cette limite est atteinte, une pénalité financière importante peut être facturée. Le rapport entre puissance effective et puissance apparente est appelé « cosinus phi » ou « facteur de puissance de déplacement » et, idéalement, ne devrait jamais être inférieur à 0,95.
En plus de l’éventuelle pénalité financière, un mauvais cosinus phi peut entraîner la surchauffe de l’infrastructure. Pour éviter cela, les installations doivent disposer de batteries de condensateurs installées à proximité des charges importantes, comme les moteurs d’une puissance supérieure à 50 kW, ou au niveau central, près du tableau de distribution principal.
Les harmoniques peuvent également avoir un effet sur le facteur de puissance. En cas de présence d’harmoniques, la seule compensation par des condensateurs peut s’avérer insuffisante, il est donc essentiel de mettre en œuvre un filtrage pour réduire l’effet négatif des harmoniques.
En s’attaquant à ces six problèmes invisibles liés à la consommation électrique, les installations seront en mesure de minimiser les dépenses inutiles, les temps d’arrêt et les dommages causés aux équipements, tout en maximisant la productivité et l’efficacité énergétique. De plus amples informations sont disponibles sur www.fluke.com.