Les scientifiques de l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility), le synchrotron européen de Grenoble, ont analysé l’un des violons les plus célèbres du monde afin d’en examiner les moindres détails.
La microtomographie à rayons X, développée initialement pour la paléontologie, a offert, le temps d’un week-end (les 9 et 10 mars 2024), la possibilité de remonter le temps. Grâce aux performances du nouveau synchrotron ESRF-EBS, qui, depuis sa mise en service en août 2020, offre des performances expérimentales au moins 100 fois supérieures à ce qu’elles étaient auparavant, cette technique a permis de reconstruire une image 3D complète de « Il Cannone », le violon préféré du virtuose Niccolò Paganini, jusqu’au niveau de la structure cellulaire du bois, avec la possibilité de zoomer localement n’importe où dans le violon, jusqu’à l’échelle micrométrique !
Fabriqué en 1743, ce violon – l’un des plus célèbres au monde – a ainsi pu être mis à nu, cartographié de tous côtés, avec ses réparations anciennes mises en lumière. La municipalité de Gênes, en Italie, et les organisateurs du concours international de violon Premio Paganini, sont à l’initiative du projet, souhaitant une analyse scientifique approfondie du comportement du violon dans différentes situations, afin de mieux préserver et comprendre ce précieux artefact historique. Paganini entretenait une relation particulière, marquée par une véritable symbiose, avec ce qu’il appelait « mon canon », en raison de ses prouesses acoustiques. Compte tenu de son attachement à son instrument, Niccolò Paganini a légué le « Cannone » à sa ville natale, Gênes, « afin qu’il soit perpétuellement préservé. » Depuis 1851, le violon est conservé au Palazzo Tursi, siège de la municipalité de Gênes. Seul le lauréat du concours international de violon Premio Paganini, qui a lieu tous les deux ans à Gênes, est autorisé à l’utiliser.
« La mission de l’ESRF est d’être au service des scientifiques de nos pays membres et de la communauté internationale en permettant des études de pointe sur la structure des matériaux, de l’échelle atomique à l’échelle macroscopique. La présente étude sur « Il Cannone » est un merveilleux exemple des progrès que les techniques non destructives d’imagerie 3D de l’ESRF permettent dans la compréhension de la fabrication de ce précieux artefact, une étape clé pour sa conservation pour les générations futures », indique Francesco Sette, directeur général de l’ESRF.
Quand la science et la technologie servent la culture
Déjà sollicité pour analyser des papyrus antiques et des tableaux de maîtres, l’ESRF fait une nouvelle fois progresser la connaissance, avec la reconstruction 3D de ce violon.
« Les recherches microtomographiques entreprises à l’ESRF représentent l’un des événements les plus importants de la seconde vie de « Il Cannone » ; pour nous, conservateurs, travailler avec une telle équipe de scientifiques et avec un équipement aussi fantastique est une expérience inoubliable. C’est un point de départ pour une meilleure compréhension de ce violon unique mais encore mystérieux », déclarent Bruce Carlson et Alberto Giordano, conservateurs du violon « Il Cannone ».
« Cette expérience fantastique, à la croisée de la science, de la musique et de l’histoire, ouvre de nouvelles possibilités pour étudier la conservation d’instruments de musique anciens d’intérêt culturel », explique pour sa part Luigi Paolasini, scientifique à l’ESRF et chef de projet.
Les scientifiques du Synchrotron confient qu’ils pourront travailler, d’ici à quelques mois, sur des instruments beaucoup plus grands pouvant aller jusqu’à la taille d’une contrebasse.
Photo extraite du site internet de l’ESRF.